Le menu de saison propose un autre accès aux différentes rubriques du site.
Chaque épisode contient un récapitualtif des notes, photos, videos, bivouacs, fiches pratiques
Retour au sommaire
Chaque épisode contient un récapitualtif des notes, photos, videos, bivouacs, fiches pratiques
De Kirkenes à Mourmansk
(Billet du 10 juillet 2014) :Le départ :
Nous avions choisi de demander nos visas de tourisme pour la Russie à Kirkenes et nous ne le regrettons pas. Nous nous étions pre-inscrits, comme il est requis, sur le site officiel et avions réuni tous les autres documents nécessaires (passeports, photos, voucher, programme, assurance-rapatriement) Sur place, nous nous sommes présentés au "Visa Center" où nous avons été très bien reçus. Le lendemain à 10 heures, nous reprenions possession de nos passeports dûment estampillés et validés par le consulat.
La frontière n'est qu'à quelques kilomètres de la ville, de l'autre côté de la rivière. Le passage a été très simple. Les formulaires étaient en russe et en anglais, et on nous a aimablement fourni un modèle pré rempli. Ainsi, les formalités ont été bouclées en moins d'une heure, ce qui n'est rien par rapport au poste frontière de Lappenranta (entre Helsinki et Vyborg) où nous nous étions présentés il y a quelques années (4 heures).
La dernière barrière sitôt levée, le voyageur se trouve face à un panneau qui indique clairement les seules routes autorisées jusqu'à Mourmansk. Cela correspond à ce que nous avions lu auparavant ; nous voilà rassurés. Autre sujet de préoccupation vite dissipé : l'état de la route et la signalisation. Nous avions vu sur You tube une vidéo qui nous avait causé quelque souci, mais tout a été beaucoup plus simple que ne semblait l'indiquer cette odyssée. Quant au revêtement, il était impeccable. Le ciel était bleu, le thermomètre à 15° et le moral au beau fixe.
Pourtant, si la météo est évidemment la même de part et d'autre de la frontière, le climat change. Nous traversons une zone militaire, avec, de loin en loin, des barbelés, des miradors et quelques check points, que nous franchissons au pas (mais sans contrôle). Le long de la route, on trouve aussi beaucoup de monuments commémorant les batailles de la deuxième guerre mondiale. Ces mémoriaux sont imposants mais pas ostentatoires et, si les gerbes de fleurs abondent, c'est sans doute dû à la proximité du 9 mai.
Nous nous arrêtons pour déjeuner à Zapolyarny. Ce n'est pas vraiment une ville mais une série d'alignements de béton gris, de grands ensembles destinés aux employés des mines de Nickel et leurs familles. C'est déjà lugubre par une longue et belle journée de juillet sous le soleil. Imaginons l'hiver avec deux mois sans voir la lumière du jour !.. Ici, rien ne semble avoir changé depuis l'époque soviétique.
Mourmansk :
La ville est-elle à la hauteur de sa réputation : guerre froide, sous-marins tapis dans les fjords, poubelle nucléaire... ?
Oui et non.
Ce que nous avons vu :
La ville n'est pas belle. Pas vraiment affreuse non plus, mais elle semble sans âme. Nous n'avons pas trouvé de vrai centre. Une large et longue avenue (Lénine) la traverse de part en part et, à part quelques façades un peu anciennes (si peu ; la fondation date de 1915). Aucun édifice ne semble digne d'intérêt. Des banques, des bâtiments officiels ou administratifs dont on ne peut pas connaître la fonction si on ne sait pas le Russe, et peu de magasins. La place centrale, dite des "cinq coins" n'a de "place" que le nom et de "central" qu'une position arbitrairement définie sur le plan. On trouve aisément la gare mais il faut monter patte blanche pour accéder à son hall, surmonté d'une assez belle coupole. Au musée des Beaux Arts, il semble qu'il n'y ait pas de collection permanente mais nous avons vu une bonne exposition de portraits du XVIIIème et du XIXème en provenance du musée Pouchkine. Nous étions les deux seuls visiteurs.
Sur les hauteurs se dressent d'imposantes murailles d'aspect historique. Ce n'est pas une forteresse mais un ensemble de barres de béton. Elles ont, ma foi, belle allure. Et puis c'est du solide. Pour avoir logé en 2012 dans un appartement situé dans un bloc de ce type stalinien à Moscou, nous avons vu que c'était fonctionnel, très bien isolé, bref très habitable, si l'on fait exception de l'environnement extérieur et pourvu qu'on ne le partage pas entre deux ou trois familles, comme c'était le cas à l'origine.
Qu'avons-nous vu d'autre à Mourmansk ?
La ville n'est pas très étendue et ses 350.000 habitants résident surtout à Kola et dans les cités interdites du Nord, au bord de la mer de Barentz, là où se trouvent la flotte et le complexe militaro-nucléaire.
Les monuments qui s"imposent à la vue sont presque tous des mémoriaux. Une église est dédiée aux sauveteurs et, à côté, un phare rappelle le souvenir des marins ayant "péri en mer" De longues listes s'étirent dans les registres et sur les dalles. Entre les deux, on trouve une partie de la cabine du Koursk, ce sous-marin nucléaire qui, en 2000, s'est trouvé piégé au fond de la mer de Barentz et dont l'équipage s'est vu mourir à petit feu, sous le regard impuissant du monde entier. C'est vrai : le Koursk était basé à Mourmansk.
Durant notre séjour, nous sommes passés plusieurs fois devant ces trois monuments en descendant du parking de la petite station de ski où Tiresias bivouaque pour la nuit (qui ne tombe jamais, ici non plus). Un peu plus à l'ouest, c'est "Aliocha" qui domine la ville. Cette colossale statue de béton, visible de très loin est devenue l'emblème de Mourmansk. Il s'agit, bien sûr, d'un soldat qui, l'arme à l'épaule, veille, le regard rivé sur la ligne bleue de l'occident. Si, à Saint Pétersbourg, on est frappé par la permanence du souvenir des guerres napoléoniennes, ici, dans l'Arctique, c'est le traumatisme des années 41-45 et le souvenir des sacrifices de la "grande guerre patriotique" qui continuent de peser.
Mourmansk, seul port au nord du cercle polaire à ne jamais être pris par les glaces, est donc avant tout une ville industrielle, neuve, créée de toutes pièces pour l'industrie et pour l'armée.
Le port est bien visible depuis les hauteurs, mais il est fermé. La seule zone accessible est le quai d'embarquement pour passagers, où nous n'avons d’ailleurs rien vu qui ressemble à une gare maritime. On peut y visiter le Lénine, un brise glace nucléaire désarmé, premier de son espèce. Pour accéder à cette partie de la ville, il faut franchir, dans un quartier peu propice à la flânerie, plusieurs voies ferrées. Comme la gare est toute proche, les manœuvres sont fréquentes et les barrières souvent baissées. Rien n'est automatique. Les feux clignotants et le mécanisme sont actionnés par des humains et les annonces sont faites au micro. Ambiance soviétique encore.
En résumé, on ne peut certes pas dire que Mourmansk soit une ville à visiter. On n'imagine pas pouvoir y vivre, surtout en pensant à ce que doit être l'hiver. Les habitants ne sont pas gais et beaucoup d'hommes semblent plutôt déglingués, même si les femmes russes, fidèles à leur réputation, sont toujours soucieuses de leur tenue. On n'a pas envie de rester ici plus d'un jour ou deux. Malgré cela, on ne s'y sent pas oppressé. Nous avons trouvé les gens plutôt accueillants et prêts à nous aider. A la boutique Megafon, on nous a dotés d'une clé 3G qui marche du feu de Dieu, bien mieux et pour trois fois moins cher qu'en Norvège. La nuit, nous avons dormi sur un parking gardé et gratuit. Au musée, nous avons longuement discuté (en espagnol !) avec un gardien cap hornier (4 passages). A l'oreille gauche, il arborait fièrement la boucle avec l'inscription "Drake" qui le rattache à la confrérie mondiale des marins qui ont le droit de cracher et de pisser au vent.
Nous qui n'avons pas ce privilège allons simplement laisser Tiresias nous porter vers le sud, d'abord vers Kem, au bord de la mer Blanche, puis vers Petrozavodsk, sur les rives du lac Onega.